Ça bout chez les nationalistes

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Raymond38
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Ça bout chez les nationalistes

Message par Raymond38 »

Ça bout chez les nationalistes

Source: courrierinternational.com
le 07/02/2011

Pour la quatrième journée consécutive, le 7 février, des combats faisaient rage à la frontière khméro-thaïlandaise. Six personnes ont déjà été tuées. Selon le politologue Pavin Chachavalpongun, les rivalités au sein du camp royaliste ont lourdement pesé dans cette nouvelle escalade.


Les combats entre militaires cambodgiens et thaïlandais postés aux abords du temple de Preah Vihear ont repris le 7 février pour la quatrième journée consécutive. "Aggravation de la crise frontalière", titre le quotidien de Phnom Penh. Les tirs d'artillerie ont fait au moins six morts. Le Premier ministre cambodgien Hun Sen en appelé à une médiation des Nations unies. La situation entre les deux pays n'a cessé de se détériorer depuis l'arrestation le 29 décembre par les autorités cambodgiennes de sept Thaïlandais se trouvant dans une zone frontalière contestée. Deux d'entre eux ont depuis été condamnés à de lourdes peines de prison. Les plus nationalistes des Thaïlandais s'indignent depuis lors du manque de fermeté du Premier ministre actuel dont ils réclament la démission.


Image

Des nationalistes thaïlandais crient des slogans lors d'une manifestation à Bangkok, 25 janvier 2011.

En apparence, les combats qui font rage aujourd'hui entre la Thaïlande et le Cambodge semblent découler d'un conflit entre les deux pays. Mais, lorsqu'on creuse un peu, on s'aperçoit qu'ils résultent d'une lutte de pouvoir sur la scène politique intérieure thaïlandaise, plus précisément entre le gouvernement démocrate et l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) [connue également sous le nom de "chemises jaunes"]. Incontestablement, une scission traverse à présent ce camp. La PAD se sert du contentieux frontalier dans le but manifeste de fragiliser le gouvernement d'Abhisit Vejjajiva. Il n'y a pas si longtemps, ils étaient unis comme des frères. Ils ont combattu côte à côte pour faire tomber le gouvernement de Thaksin Shinawatra [en 2006], puis ses avatars [en 2008]. Quand la PAD a entrepris de politiser la question du temple de Preah Vihear [situé sur la frontière entre les deux pays mais dont la souveraineté a été reconnue au Cambodge en 1962], le Parti démocrate, qui était alors dans l'opposition, lui a emboîté le pas. Les deux formations ont ranimé la flamme du nationalisme et accusé le gouvernement de Samak Sundaravej, soutenu par Thaksin Shinawatra, de "vendre la souveraineté thaïlandaise" au Cambodge en échange de faveurs pour la famille Shinawatra.

Mais depuis qu'il a formé un gouvernement, fin 2008, à la suite d'un accord négocié en coulisse par l'armée, le Parti démocrate a progressivement pris ses distances avec son ancien allié en vue de se doter d'une image de neutralité politique. Les "chemises jaunes" l'ont très mal pris : elles estiment avoir aidé le Parti démocrate à accéder au pouvoir mais sans avoir été récompensées en retour par le gouvernement Abhisit. Dans la perspective d'élections législatives anticipées, peut-être au cours du premier semestre 2011, la PAD espère tirer parti des affrontements actuels pour revenir sur le devant de la scène et renforcer sa base à Bangkok. En juin 2009, elle a cessé d'être un simple groupe de pression pour se muer en parti, celui de la "nouvelle politique". Mais, très vite, le mouvement a été relégué à l'arrière-plan. Désormais, sa tactique pour attirer de nouveau l'attention de l'opinion publique semble porter ses fruits. Elle organise des manifestations aux abords du siège du gouvernement [elle y a même installé un campement], tout en appelant le Premier ministre à se montrer plus ferme avec le Cambodge et à exiger que Phnom Penh libère les deux prisonniers thaïlandais [issus de la mouvance des "chemises jaunes" et condamnés, le 1er février, à six et huit ans de prison pour espionnage par la justice cambodgienne]. La PAD peut également compter sur le soutien de la secte bouddhiste radicale Santi Asoke pour faire tomber le gouvernement Abhisit. Les deux groupes se sont engagés à poursuivre leurs manifestations jusqu'à la démission du Premier ministre.

Une division accrue n'aurait d'autre effet que d'affaiblir encore le pouvoir en place et de permettre à ses adversaires - dans l'opposition parlementaire comme chez les "chemises rouges" - de prendre le dessus dans la crise politique que traverse le pays. Une perspective qui ne manque pas d'inquiéter la hiérarchie militaire. Si bien que, récemment, les rumeurs de l'imminence d'un coup d'Etat y sont allées de plus belle à Bangkok. Si la situation devenait incontrôlable, une nouvelle intervention de l'armée pour sortir le pays de l'impasse serait envisageable. Le chef de l'armée thaïlandaise, le général Prayuth Chan-ocha, a, dit-on, évoqué un putsch comme une option attrayante dans le cas où la situation deviendrait incontrôlable. Si ces rumeurs venaient à se concrétiser, les Thaïlandais devraient se préparer à endurer de nouvelles batailles politiques et, plus certainement encore, une débauche de violences.
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