L'envol du troisième sexe en Thaïlande

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dreamman
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L'envol du troisième sexe en Thaïlande

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Les personnes du "troisième sexe", que l'on désigne en Thaïlande sous le vocable anglais de "ladyboys" (femmes garçons), viennent de remporter une victoire dans leur bataille pour plus de reconnaissance sociale : en avril, la première compagnie aérienne mondiale à embaucher des équipages notamment composés de transsexuels devrait décoller de Bangkok pour Séoul. L'initiative émane de Peter Chan, ancien steward de la compagnie nationale Thaï Airways, qui a fait fortune dans l'immobilier et a décidé de créer sa propre compagnie. Estampillée à ses initiales "PC Air", cette compagnie charter visant les marchés sud-coréens, japonais et chinois a choisi une devise qui incarne les valeurs audacieuses qu'elle entend véhiculer à bord de ses deux Airbus A 310 : "It's my way." Un slogan qui évoque aussi bien la trajectoire aérienne que la façon dont la nouvelle-née de l'aviation commerciale thaïe entend promouvoir son identité...

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Une matinée de février, il y avait foule dans les bureaux de PC Air à Bangkok. Ce jour-là, les personnels navigants étaient réunis pour une première séance d'entraînement. Les stewards étaient installés dans une salle et, dans l'autre, un coiffeur enseignait le maquillage à une vingtaine d'hôtesses, parmi lesquelles quatre ladyboys. Dans son bureau, Peter Chan vantait les raisons de son initiative. Cet homme de 47 ans, vêtu avec recherche, se sent investi d'une mission : "Il est incroyable de ne pas accepter des transsexuels parmi le personnel navigant des avions, explique-t-il. On est tous des êtres humains, c'est une question de droits de l'homme !"

L'idée lui est venue un jour, après avoir rencontré l'un des plus célèbres représentants thaïs du troisième sexe, la ravissante Thanyarat Jiraphatpakorn, 24 ans, sacrée en 2007 "Miss Tiffany", un concours qui couronne chaque année en Thaïlande la plus jolie ladyboy . "Chez nous, le métier d'hôtesse de l'air est l'un des plus prisés par les jeunes Thaïlandaises, poursuit M. Chan. Quand j'ai vu Miss Tiffany, je n'ai même pas remarqué qu'elle était une ladyboy ! Dès que je l'ai compris, j'ai décidé qu'elle devait réaliser son rêve de devenir hôtesse de l'air." Thanyarat Jiraphatpakorn avait déjà postulé dans d'autres compagnies, mais avait été déboutée en raison de son identité sexuelle. "Encore aujourd'hui, précise M. Chan, tous les transsexuels nés de sexe masculin doivent être porteurs d'un passeport d'homme, malgré leur apparence féminine."

L'ex-Miss Tiffany est une grande jeune femme au sourire éclatant, au regard agrandi par des lentilles de contact qui lui donnent l'air d'un personnage de manga. "Aujourd'hui, la société thaïlandaise, qui reste très conservatrice, accepte davantage les transsexuels. On souffre moins de discriminations que par le passé", précise-t-elle. La popularité du concours Miss Tiffany en est peut-être un exemple : chaque année, il est regardé par des millions de personnes sur une chaîne de la télévision nationale.

A côté de Thanyarat Jiraphatpakorn, dans les locaux de PC Air, une autre hôtesse de l'air du troisième sexe. Phuntakorn Sringen, 24 ans, insiste sur une réalité que masque la réputation sulfureuse de Bangkok : tous les ladyboys ne sont pas des danseuses, des entraîneuses ou des prostituées qui hantent les bars à travestis des quartiers chauds de Patpong et de Sukhumvit. "On nous a toujours réservé ce genre de professions", explique la jeune transsexuelle, dont le métier précédent était conseillère d'éducation. "Devenir hôtesse de l'air était mon rêve, et le fait que nous soyons plusieurs à travailler dans une compagnie aérienne va sans doute améliorer notre statut", espère-t-elle.

La société thaïlandaise, en dépit de son apparent conservatisme, tolère le troisième sexe, même si c'est souvent empreint d'un certain mépris. Les kathoey - vocable péjoratif pour désigner les ladyboys - sont visibles, bien que surtout confinés à la scène artistique : elles sont présentes dans les soap operas, les revues de cabaret populaire. Pourtant elles sont présentes dans d'autres secteurs. En 1996, les Femmes de fer , une équipe de volley-ball composée de transsexuels et d'homosexuels, ont remporté le championnat national. Un boxeur très connu, Nong Tum, est resté populaire même après avoir pris des hormones et féminisé graduellement son apparence. Il entrait sur le ring maquillé, cheveux longs, allant jusqu'à embrasser à pleine bouche son adversaire... Il a pris sa retraite après avoir décidé de procéder à une opération chirurgicale qui allait faire de lui une femme.

Tous les ladyboys ne se définissent cependant pas de la même façon, ce qui rend encore plus complexe leur rapport à la question de leur genre : selon le chercheur Sam Winter, des sondages révèlent que sur 190 transsexuels interrogés, 11 % se perçoivent comme "non-mâles", 45 % comme femmes et 36 % comme appartenant à la catégorie d'un "autre genre de femmes". D'autres études plus récentes indiquent cependant que 35 % des transsexuels interrogés se perçoivent comme incarnant un troisième sexe et pas seulement comme des femmes nées par erreur dans un corps d'homme.

Comme pour répondre à cette évolution des perceptions, l'université de Chiang Maï, au nord de la Thaïlande, réserve depuis 2003 des toilettes pour les étudiants "non femmes non hommes" : sur la porte, un double signe mâle et femelle entremêlé signale l'identité de ces lavabos d'un troisième type.

Source: http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/ar ... _3216.html
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